vendredi 8 octobre 2010

Chapitre 1: La fuite - épisode 3



Surveillant leurs arrières, le couple traversa à vive allure la mezzanine de bois richement décorée qui passait au-dessus du salon. En bas, l’ombre des plantes exotiques s’était transformée en un monstre tentaculaire qui tentait en vain de dévorer le tapis. Dehors, les nuages sombres enflaient, se tordaient et s’effilaient dans un grésillement électrique menaçant. Poussée par un vent violent, la pluie avait redoublé de force, s’abattant violemment sur la cité haute, comme si elle cherchait à en briser toutes les vitres. Mais ce n’était pas ce qui inquiétait le plus l’homme. Des formes sombres se déplaçaient rapidement à travers les jardins suspendus jouxtant la propriété. Sautant agilement d'une plate-forme magnétique à une autre, se faufilant telles des ombres entre les arbres et les plantes exotiques, presque imperceptibles dans l’obscurité de cette verdure d’au-delà du système solaire. Seuls des points rouges en mouvement trahissaient leurs présences d’une trainée écarlate : yeux féroces du prédateur traquant sa proie. 

N’en disant rien à sa femme pour ne pas l'inquiéter, l’homme pressa le pas en serrant la mâchoire. Au bout de la mezzanine, une porte, tout aussi richement décorée, débouchait dans une haute et majestueuse serre en verre de régolithe. La prouesse architecturale était digne des plus grands jardins botaniques des temps anciens, lorsque sur Terre la nature existait encore et qu’elle s’exposait comme une curiosité abondante. 

Peut être un peu trop majestueux pour une simple cuisine, mais n’était-ce pas à l’image du faste des Hautes-Sphères ? La capitale suspendue, exclusivement réservée à la bourgeoisie terrienne, aimait se complaire dans un luxe des plus exubérants, comme si elle cherchait à oublier la douloureuse blessure de la planète.

Le couple descendit rapidement un escalier en colimaçon, finement ciselé. Il s’agissait de faire au plus vite ! Mettre l’enfant en sécurité était la priorité.

                À peine étaient-ils arrivés en bas qu’un fracas assourdissant, suivi du cri aigu de la jeune femme, retentissait dans toute la serre. Tout se déroula en quelques secondes. L’homme eut juste le temps de se jeter sur sa femme et son fils pour les protéger de la pluie de débris étincelants qui s'abattit lourdement sur eux.

dimanche 3 octobre 2010

Chapitre 1: La fuite - épisode 2





À l’étage, l’homme qui avait répondu au téléphone plus tôt dans la soirée se redressa sans faire de bruit, éclairé pendant quelques instants par un rayon de lune. Il avait espéré que ce n’était qu’une fausse alerte, qu’« il » s’était trompé. Cette malédiction, elle le poursuivrait éternellement. Les pupilles dilatées, il inspira, puis expira longuement en arquant ses épaules.
-          Fais chier !… Sihem… Sihem réveille toi, murmura-t-il à sa femme couchée près de lui. Ils sont là ! 

La dernière phrase eut l’effet d’un électrochoc sur la jeune femme, qui se réveilla en sursaut. Effrayée, dans un premier temps, le regard de son mari la rassura. Elle savait déjà ce qu’elle devait faire, tout était parfaitement rodé. Cela faisait des mois qu’ils se préparaient à cette éventualité. Ces derniers temps, on leur posait beaucoup trop de questions. Sans parler de cette sensation d’être constamment épiés et suivis, comme si les autres se doutaient de quelque chose, comme s’ils savaient. 

Dans un sens, elle était bien plus « croyante » que lui. La nouvelle ! Elle l’avait accueilli comme un espoir. Lui, comme le retour brutal d’une réalité qu’il avait cherché à oublier.

Pourquoi mon propre fils ? Je voulais juste d’une vie tranquille après tout ce temps… j’en suis presque à le maudire, alors que je l’ai voulu plus que tout… je ne peux que me maudire moi-même, j’ai dû lui transmettre un truc… maudite prophétie ! 

Le ventre crispé par la peur, la jeune femme entra dans la chambre située près de la leur, pendant que son mari surveillait le couloir, en enfilant paires de chaussettes et chaussures. Elle en ressortit quelques minutes plus tard les bras chargés d’un sac et, emmitouflé dans plusieurs couvertures, d'un petit garçon qui dormait encore à poings fermés.